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La légende de Montfort la Cane

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Depuis les années 1400, une légende se transmet de génération en génération dans la cité de Montfort. La ville était d’ailleurs connue sous le nom de Montfort-la-Cane en souvenir de l’événement extraordinaire. L’histoire de cette cane qui revenait tous les ans rendre hommage à Saint Nicolas a inspiré de nombreux auteurs, conteurs, chanteurs et artistes.

Dans la première version, une jeune fille prisonnière du seigneur de Montfort se lamente. Elle prie saint Nicolas pour échapper à son ravisseur et sauvegarder sa virginité ; le saint l’ayant exaucée, elle se retrouve miraculeusement transformée en cane, s’envole par la fenêtre de sa cellule et se pose sur l’étang du château.

Par la suite, et durant plusieurs siècles, une cane sauvage vient tous les ans aux environs de la saint Nicolas d’été (le 9 mai), entre dans l’église suivie de ses canetons puis s’en retourne vers l’étang.

La version de l’Église

En 1652, le père Vincent Barleuf, prieur de l’abbaye Saint-Jacques de Montfort écrit un petit ouvrage intitulé « Récit véritable de la venue d’une cane sauvage depuis longtemps en la ville de Montfort, comté de la province de Bretagne ». Celui-ci rapporte une autre version dans laquelle la jeune fille n’est pas transformée en cane mais se retrouve miraculeusement transportée hors du château. Alors qu’elle chemine le long de l’étang, elle est de nouveau attaquée par les soldats du seigneur. Désigant une cane qui nage sur l’étang, elle prie saint Nicolas d’être témoin de son innocence. La jeune fille peut s’échapper, mais elle meurt peu de temps après...

Le 9 mai suivant, la cane vint accomplir le vœu de la jeune fille, entra dans l’église Saint Nicolas et déposa en offrande un de ses canetons.

On peut avancer l’hypothèse que Vincent Barleuf a transcrit une version plus conforme à l’esprit de l’Église de la Contre Réforme. L’idée de transformation d’une jeune fille en cane était inacceptable d’un point de vue du dogme chrétien. Barleuf a préféré introduire la notion de miracle par l’intercession d’un vœu fait à saint Nicolas.

Un fond de vérité

Si les versions diffèrent sur l’origine de la légende, toutes s’accordent sur la venue régulière de la cane au début du mois de mai de chaque année. Plusieurs procès-verbaux cités par Barleuf attestent de cette venue. Les premiers dateraient du XVIème siècle et le dernier conservé date de 1744. Après cette date, il semble que la cane ne soit plus réapparue.

Illustration tirée d’un livre pour enfant de la fin du XIXème siècle

Cette légende, qui semble issue d’un fond légendaire ancien, était très vivante à Montfort ; l’Église l’a accepté en l’associant à une pratique religieuse. L’église Saint Nicolas possédait des vitraux représentant la famille des seigneurs de Laval sous la protection du saint et de la cane. Le clergé possédait des ornements sacerdotaux brodés d’effigies de la cane. Certaines sources parlent également de nombreux pèlerins qui venaient attendre le volatile à la porte de l’église, pour assister ensuite à la messe.

Bien longtemps après la disparition de la cane et des lieux traditionnellement fréquentés par elle, la légende s’est transmise jusqu’à nous sous forme de contes et de chansons.

Ils ont écrit sur la cane...

  • Battista Fregoso, doge de Gênes (vers 1480)
  • Chasseneux, président au Parlement d’Aix (1524)
  • Bertrand d’Argentré, historien breton (1582)
  • Madame de Sévigné dans ses Lettres (1626-1696)
  • François-René de Chateaubriant, Mémoires d’outre-tombe (1849)